L’art d’avoir toujours raison ou de faire fuir le bonheur

Le joli port de pêche de Paimpol

Mon papa Pierre avait un frère, Paul. (Mes grands-parents étaient très originaux !) C’était mon parrain et je l’appelais Paimpol, comme cette jolie ville de Bretagne.

Paimpol aimait avoir raison sur tout. Il prenait systématiquement le contre-pied de ce qu’on disait. C’était devenu notoire.

A tel point qu’un jour, mon père décida de lui tendre un piège… 

Il nous fit part de son petit plan. A la fin de la phrase la plus anodine de mon parrain, il dirait « non ». Mes frères et moi guettions ce moment en prévision d’une bonne tranche de rire.

Je ne sais plus du tout la phrase qui fit office de déclencheur mais mon papa clama un grand « NON » après une de ses phrases.

Et comme prévu, dans la seconde, comme si on avait appuyé sur un gros bouton rouge, mon parrain se mit à vociférer ses arguments pour prouver qu’il avait raison.

Tout le monde éclata de rire et… il se demanda ce qui s’était passé.

Son effet était coupé, mais il sentait bien que ça avait une relation à son esprit de contradiction.

Quand il fut radouci, on lui expliqua la cabale. Cela le fit réfléchir. Et cette fois, mon père s’en sortit vainqueur sans pour autant avoir eu raison sur le sujet.

Combien de fois avons-nous tenté d’avoir raison, nous aussi ?

Et surtout pourquoi voulons-nous toujours avoir raison ?

C’est simple et c’est en lien avec l’article de la semaine dernière  sur vos croyances.

Nos croyances servent à donner du sens à ce que nous vivons et ressentons. Elles font partie de notre « protection inconsciente ».

Et plus il s’agit de nos valeurs identitaires comme :

• la famille (notre place dans notre histoire),
• la politique (notre place dans la société),
• la religion (notre place dans l’univers)

Plus nous sommes sur nos gardes. Plus nous protégeons notre intégrité.

Au fil de notre vie, nous avons dû défendre cette identité. Si vous vous êtes senti aimé et accepté tel que vous êtes, vous aurez moins besoin de sortir vos griffes à tout bout de champ.

Votre confiance en vous sera solide et vous ne vous sentirez pas menacé par des avis et des valeurs différents des vôtres.

Vouloir avoir raison sans cesse indique une peur de perdre le sens qu’on a donné aux choses, un sentiment d’insécurité profond.

Vous comprenez bien que venant d’une famille où tout le monde voulait avoir raison, j’ai adopté ce comportement pour défendre mes opinions. Entre mes frères et mon père, je perdais souvent la bataille !

Jusqu’au jour où….

Un phrase dans un livre m’a guérie définitivement de ce vilain penchant très handicapant dans mes relations. (Surtout avec mes frères !)

Christiane Singer dans son merveilleux livre « Derniers fragments d’un long voyage »  cite ce vers d’un jeune poète israélien :

« Là où quelqu'un a eu raison, l'amandier ne fleurira pas l'an prochain. »

J’ai décidé que dorénavant, je n’empêcherais plus jamais les amandiers de fleurir.

Quand je pense que Schopenhauer a écrit tout un traité intitulé « L’art d’avoir raison », ! Pauvres amandiers…

Encore un petit conte sur le sujet :

« Le démon marchait le long d’un chemin à travers deux grands domaines dans lesquels des agriculteurs s’affairaient à la récolte.

Il se dit : « Je vais planter un peu de ce que les humains aiment tant : avoir toujours raison !»

Il se coiffa d’un chapeau dont la moitié droite était verte et l’autre jaune.

- Si vous voulez trouver un trésor, suivez-moi ! cria-t-il aux paysans.

Puis il se cacha derrière un arbre. Les travailleurs coururent jusqu’au sentier.

- Nous allons suivre l’homme au chapeau vert, dirent les hommes du champ de droite.

- Vous voulez nous tromper : nous devons suivre un gars qui porte le chapeau jaune ! s’écrièrent les hommes du champ de gauche.

Le conflit empira.

Une demi-heure plus tard, les paysans avaient oublié le trésor et s’entretuaient à coups de faux pour savoir qui avait raison quant à la couleur du chapeau. »

Vous pouvez en lire un autre ici sur le blog de Jacky Bourgogne, auteur aux e-ditionsLABELVIE

Je vous souhaite un merveilleux dimanche !

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